Nous poursuivons notre série de portraits des frères dominicains. Après avoir rencontré certains des plus jeunes membres de notre ordre à l’image du fr. Charles Desjobert, nous avions consacré dernièrement un portrait l’un de nos frères ainés avec la rencontre du fr. Gabriel Nissim. Dans cette même lignée, nous vous présentons aujourd’hui le fr. Bernard Senelle. Il a réalisé sa profession simple le 15 septembre 1984 à Strasbourg et sa profession solennelle le 21 septembre 1987 à Lille.
Pourquoi avoir choisi la communauté des dominicains ?
« A la fin de mes études de droit, c’est là où je me suis posé pour la première fois des questions. Lors de ma dernière année, j’ai eu une expérience de vie communautaire et l’idée de la vie religieuse est apparue. Je suis ensuite partie pendant deux ans en Mauritanie à Nouakchott avec des spiritains de novembre 1981 au 21 juin 1983. C’est à la fin de cette mission que j’ai pris ma décision.
Comme je suis originaire de Roubaix, j’avais -avant mon départ- rencontré des frères du couvent de Lille. Et si j’ai opté pour une vie religieuse avec les dominicains en particulier, c’est pour une vie communautaire et tournée vers l’annonce de la parole de Dieu. Je connaissais le fr. Pierre Gaugué qui accompagnait la communauté où j’étais et c’est aussi grâce à lui que j’ai fait le choix des dominicains » .
Anecdote
Concernant son retour après son voyage en Afrique, le fr. Bernard Senelle tient à nous raconter une anecdote :
« Je suis rentré de Mauritanie le jour de la première fête de la musique. Cela m’a fait un choc d’arriver à Paris et de débarquer boulevard Saint Michel avec mes valises et mes sacs. Je suis allé faire un tour le soir même avec le spiritain qui s’occupait des coopérants et ça m’a paru très fade par rapport à l’Afrique d’où j’arrivais. Fade parce que malgré l’énorme effervescente ambiante, il y avait une réelle fracture entre la vie spirituelle que j’avais connue pendant deux ans et la vie parisienne qui me paraissait un peu superficielle. Rendez-vous compte, ma dernière visite avant de partir s’était faite dans un village où l’esclavage avait encore lieu… Et quelques jours plus tard, je me retrouve dans les rues de Paris où tous chantent et dansent » .
Quelles sont vos principales missions au sein de la Province de France ?
Prieur du couvent Saint Jacques
Le fr. Bernard Senelle a été le Prieur du couvent Saint-Jacques jusqu’à très récemment. « J’arrive au terme de mon second mandat qui prend fin le 8 juin 2024 » expliquait-il au moment de notre entretien avec lui il y a quelques semaines. « En principe, il n’y en aura pas de troisième sauf exception » précise-t-il.
Conseiller spirituel de la Région Ile de France ouest
« Je suis également investi dans le mouvement des entrepreneurs et dirigeants chrétiens. C’est un mouvement à la fois de réflexion évangélique et d’action pour les chefs d’entreprise et les cadres dirigeants. Cela consiste à se rencontrer, à raison d’une réunion par mois, autour d’une thématique qui change à chaque fois. C’est un compagnonnage de vie chrétienne et aussi un engagement à vivre du christ là où on se trouve, à mettre en œuvre la pensée sociale chrétienne dans le monde de l’entreprise. Le but est de créer plus de justice notamment pour l’emploi des jeunes par exemple » .
Pour plus d’informations sur la mission de conseiller spirituel du fr. Bernard Senelle, nous vous invitons à voir la vidéo ci-dessous.
Aumonier au Parlement européen
« Nous avons créé en 2004 avec le diocèse de Strasbourg et la province dominicaine de France l’association : « Démocratie Construction Européenne et Religion » (DECERE). Aujourd’hui j’en suis toujours membre. J’occupe le rôle d’aumonier au Parlement européen. Dans ce cadre, à chaque session au Parlement, je célèbre une messe » .
Représentant de l’OIEC
« Je représente l’Office International de l’enseignement catholique au Conseil de l’Europe. Cette mission consiste à être présent aux sessions de la conférence des ONG au Conseil de l’Europe, c’est-à-dire être un des piliers du Conseil de l’Europe qui représente la société civile » .
Etre un dominicain aujourd’hui, qu’est-ce que ça signifie pour vous ?
« Etre dominicain, c’est vivre une vie d’amitié fraternelle qui oblige à se lever le matin. Je crois que c’est important d’être là pour se tenir devant Dieu dès le matin. C’est un des piliers très important de la vie religieuse et dominicaine. On se tient devant Dieu comme prêcheur avant de parler. On est là.
Et puis, il y a toute cette vie au quotidien de soutien fraternel, d’étude de la parole… Et de prédication ! C’est-à-dire qu’il faut aller vers les gens. Pour moi, être dominicain, c’est se tourner vers l’autre mais aussi développer sans cesse une compétence théologique, religieuse et spirituelle. Nous ne sommes pas, pour la plupart d’entre nous, des professeurs d’université. Certes il y en a, mais ça n’a jamais été la majorité des frères. En revanche, je pense que nous sommes attendus sur des compétences d’étude, de lecture de la parole de Dieu, de la théologie, des sciences humaines qui honorent notre mission.
J’aime beaucoup l’expression de nos constitutions qui dit que l’ordre a pour vocation d’évangéliser la parole de Dieu. Ca peut paraître étonnant de faire en sorte qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle. Un des défis aujourd’hui, c’est évidemment l’indifférence, l’incroyance. La recherche de sens est important. Qui va donner un sens de vie au monde dans lequel on vit aujourd’hui qui n’est pas toujours marqué par des bonnes nouvelles ? » .
Que diriez-vous à quelqu’un qui veut devenir dominicain ?
« Je lui dirais que la route est belle. Qu’elle n’est pas toujours facile. Mais qu’on est appelé à partager, non seulement pour soi et entre frères, la joie de Dominique… Et à la donner généreusement au monde qui nous attend !
Cette route n’est pas toujours facile parce que -comme dans toute vie- il peut y avoir des hauts et des bas. Des écueils. Des moments où la mission que nous avons reçue s’avère aride. Où la vie fraternelle peut être plus ou moins facile. Mais finalement, c’est le propre de toute vie ! D’ailleurs Jésus, sauf erreur de ma part, n’a pas promis une vie facile à ses disciples. Ils seraient plus comme des brebis au milieu des loups. Je pense que cela se vérifie à la fois dans la mission, parfois dans la vie fraternelle et aussi quand on est en responsabilité.
J’ai par exemple été Père-Maître à Lille (à l’image du fr. Xavier Pollart ndlr), prieur… Et il y a parfois des moments plus compliqués que d’autres » .