Les trois offices quotidiens de la liturgie dominicaine répondent avant tout à deux caractéristiques : le chant et la solennité.

Dans la plupart des couvents, les frères célèbrent quotidiennement ensemble trois offices.

  • Les laudes (le matin),
  • L’office du milieu du jour (vers midi)
  • Les vêpres (le soir).

Dans la liturgie dominicaine la messe est célébrée tous les jours, souvent avant le déjeuner. Il arrive que, pour des raisons apostoliques, ces célébrations soient combinées, les laudes associées à la messe par exemple. Nos offices, ouverts au public, sont toujours chantés.

La place de la musique sacrée dans la liturgie dominicaine

Dans la constitution Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, les Pères du Concile Vatican II donnent à la musique sacrée un relief particulier en regard de l’art sacré en général. Le chant y est souvent mis en rapport avec la solennité de la liturgie. « La tradition musicale de l’Église universelle a créé un trésor d’une valeur inestimable qui l’emporte sur les autres arts, du fait surtout que, chant sacré lié aux paroles, il fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle. » (no 112) et « L’action liturgique présente une forme plus noble lorsque les offices sont célébrés solennellement avec chant, que les ministres sacrés y interviennent et que le peuple y participe activement. » (no 113)

Le chant, herméneute privilégié de la Parole

Le chant joue comme un rôle de loupe sur les paroles que l’on proclame. Il souligne une nuance, il infère un sens. On pourrait même dire que le chant est un herméneute privilégié de la Parole. En ce sens, la tradition des Pères de l’Église ne s’est pas trompée en confiant à l’Esprit du Père et du Fils le patronage du chant. La famille dominicaine connaît suffisamment sa responsabilité d’annonce de la Parole de Salut pour faire fi du chant. De même qu’elle se prépare à l’annonce de la Parole elle se prépare au chant de cette même Parole incarnée.

Le chant dans sa beauté nous introduit donc dans le mystère de la préparation d’une liturgie solennelle et commune. Simple et sobre le chant pourra être court, pas nécessairement polyphonique, mais préparé. Comme le seront une prédication, une lecture, un geste et même une improvisation. Fût-ce celle d’un sourire ! C’est à ce prix que le chant trouvera sa place. Et que la fraternité se découvrira débitrice avant tout d’un don qu’elle attendra chaque jour d’avantage, pour le transmettre à qui de droit : les hommes de notre temps.

Une liturgie solennelle

Sans être le seul, l’adjectif solennel caractérise aussi la célébration de la liturgie dominicaine. Selon le Livre des Constitutions et Ordinations, « de par la volonté même de saint Dominique, la célébration solennelle et commune de la liturgie doit être tenue pour l’un des devoirs principaux qu’exige notre vocation. » Il est également noté que« nos célébrations présenteront simplicité et sobriété » . La liturgie dominicaine est ainsi conviée à une double exigence. La simplicité et la sobriété doivent aller de pair avec la solennité et la communauté.

L’usage populaire du mot solennité et de l’adjectif solennel nous invite à aligner ces termes avec apparat ou éclat. Dans ce sens, ce qui est solennel s’oppose à ce qui est naturel. Mais étymologiquement, solennité signifie événement annuel, et donc longuement attendu. La solennité est ainsi la valeur riche d’un événement dont on attend beaucoup, et auquel on s’est préparé tout particulièrement.

Ainsi donc, une liturgie solennelle n’est pas autre chose que la liturgie particulièrement attendue et préparée d’un événement constitutif de notre vie de foi. Elle n’a alors point besoin de déployer des fastes vertigineux. Préparer ne signifie point accumuler les paroles et les signes qui les accompagnent. Commune, la liturgie dominicaine demande que sa solennité, sa préparation et son attente, soit l’œuvre de la communauté.

Un calendrier liturgique attendu

Parmi les différents événements du calendrier liturgique, la solennité se trouve en haut de l’échelle dans la hiérarchie des festivités. Ainsi Pâques et Noël sont les deux grandes solennités de l’année. L’Église attend d’une manière toute spéciale ces deux grands événements. À tel point qu’une période préliminaire et bien définie nous entraîne dans le mouvement de la préparation. L’Avent nous prépare à célébrer et donc à entrer avec grande vérité dans l’événement saint que Dieu nous offre à nouveau dans la naissance de son Fils. Par ailleurs, le Carême est à son tour un temps de préparation au cours duquel l’événement pascal, sollemnitas sollemnitatum, solennité des solennités, est à la fois attendu et préparé.

Les frères ont inscrit dans leurs constitutions : « De par la volonté même de saint Dominique, la célébration solennelle et commune de la liturgie doit être tenue pour l’un des devoirs principaux qu’exige notre vocation. » (LCO 57) La place du chant dans la liturgie dominicaine le signifie très bien. Avant d’être beau, l’accord de l’unisson ou de la polyphonie a nécessité une confession de la part de la communauté. Il n’est pas, a priori, évident de chanter juste et ensemble. D’ailleurs, la place juste d’une schola, une maitrise de chant, est à ce propos toujours délicate à tenir. Trop souvent elle risque de prendre la place dans l’œuvre de préparation et d’attente de la communauté en sa totalité, avant même de prendre trop de place au chœur.