COMMUNIQUÉ DU FRÈRE NICOLAS TIXIER, o.p.
Provincial de la province dominicaine de France
Ordre des Frères Prêcheurs
À partir du printemps 2019, relayant la parole des victimes, les médias ont révélé les abus sexuels que Thomas Philippe et Marie-Dominique Philippe ont commis pendant des décennies à l’encontre de dizaines de femmes consacrées ou laïques qui étaient sous leur emprise canonique ou spirituelle. Frères de sang et frères de religion, ils sont apparus à la source d’une scandaleuse déviation gnostique et sectaire dont ils couvraient leurs actions criminelles. Ce dévoilement a ébranlé les fondations dont ils étaient les figures tutélaires, l’Arche pour le premier, la communauté Saint-Jean pour le second. Elles ont
aussi gravement questionné l’Ordre dominicain dont ils étaient issus. Aussi ai-je demandé à l’historien Tangi Cavalin de constituer une commission indépendante de chercheurs qualifiés en sciences humaines afin qu’elle fasse la lumière sur cette affaire abyssale en examinant particulièrement le rôle de notre institution dans son traitement.
Au début janvier 2020, cette commission, qui s’est assurée des compétences reconnues de l’experte-psychiatre Caroline Mangin-Lazarus, de l’historienne Sabine Rousseau, des sociologues Charles Suaud et Nathalie Viet-Depaule, a débuté son enquête. Au cours de leurs trois années d’investigations menées en
France et à l’étranger, dont à Rome, ses membres ont procédé en toute liberté. À aucun moment, ni moi, ni nul autre dominicain ne sommes intervenus dans leurs travaux ou avons été informés de leurs avancements. Notre participation s’est strictement limitée à faciliter leur accès sans restriction aux archives, aux lieux, aux personnes et aux témoins qui étaient de notre ressort.
À la mi-janvier 2023, après trois années d’investigations intenses, Tangi Cavalin m’a remis le rapport qu’il a instruit avec l’aide des membres de la commission et dont je n’ai qu’alors pris connaissance. Avant même de le lire, j’ai décidé qu’il serait publié dans son intégrité et dans son intégralité aux éditions
dominicaines du Cerf afin qu’il soit mis à disposition du public. Il sera en librairie ce 3 février 2023.
En le lisant, j’ai été moi-même horrifié. Non pas par des complicités conscientes et délibérées qui n’ont pas existé au sein de la province dominicaine de France. Mais par de cruelles défaillances dans l’information ou l’évaluation, ou la décision, ou la rétorsion qui sont d’autant plus accablantes qu’elles ont pu confiner à l’indifférence ou à la négligence. Ce travail de vérité était dû aux victimes. Il ne fait pas que mettre au jour l’opacité à laquelle s’exposent certains mécanismes institutionnels de l’Église catholique. Par sa profondeur, il rappelle que de telles tentations sont récurrentes. Et par son intransigeance, il appelle à un complet renouvellement de l’esprit de vigilance.
Nous mettant entièrement à la disposition des victimes, notre premier souci, c’est cette profonde révision que les frères dominicains de France et moi-même devons poursuivre sans concession.
Le 30 janvier 2023
Fr. Nicolas Tixier o.p.